L’alphabétisation au Guatemala

Pour souligner la Journée Internationale de l’Alphabétisation 2015, SMAC vous invite à faire un survol sur l’état de la situation actuelle au Guatemala.

«Alphabétisation et sociétés durables» est le thème de la Journée Internationale de l’Alphabétisation 2015. L’alphabétisation est un droit humain. Elle est le fondement de l’apprentissage et de l’autonomisation des individus et des communautés.

L’alphabétisation n’est pas seulement la capacité de lire et écrire, mais aussi la faculté de comprendre, raisonner  et dialoguer après la lecture d’un texte. Plus qu’un simple outil permettant la lecture,  l’alphabétisation contribue à transformer un environnement défavorisé et à l’emmener à une plus grande autonomie. L’alphabétisation encourage l’émergence de capacités critiques, donc transformatrice.  Elle contribue à éliminer la pauvreté, réduire la mortalité infantile, infléchir la croissance démographique, atteindre l’égalité des genres et assurer le développement durable, la paix et la démocratie.

Ressources, moyens et structure du système d’éducation ATT00002 (1) Actuellement, le Guatemala occupe la 116e place dans le classement mondial par Indice de développement humain (IDH), avec le deuxième IDH le plus faible de sa région.  Le manque d’investissement financier dans le secteur de l’éducation est l’une des principales raisons qui pourraient expliquer ce mauvais résultat : les dépenses totales dans le domaine de l’éducation correspondent à 3,2 % du PIB, ce qui place le Guatemala parmi les 40 pays qui dépensent le moins pour l’éducation dans le monde. Le système d’éducation du Guatemala est régi par la Constitution de 1993 et les lois scolaires. À l’article 76 de la section IV (Éducation), on peut lire cette disposition constitutionnelle:

Articulo 76

1) Sistema educativo y enseñanza bilingüe. La administración del sistema educativo deberá ser descentralizado y regionalizado.

2) En las escuelas establecidas en zonas de predominante población indígena, la enseñanza deberá impartirse preferentemente en forma bilingüe.  

Traduction libre de l’Article 76

1) L’administration du système d’éducation est décentralisée et régionalisée.

2) Dans les écoles établies dans les zones où prédomine la population indigène, l’enseignement devra de préférence être dispensé sous forme bilingue.

Quant au Règlement de la Loi sur l’alphabétisation no 137-91, l’article 3, qui porte sur l’alphabétisation dans les «langues indigènes», stipule que «la population unilingue de langue indigène a le droit d’être alphabétisée dans sa langue maternelle». Ce qui veut dire qu’au Guatemala l’enseignement devrait donc être offert en plus de 15 langues locales.

Les problèmes

Cependant, la réalité est beaucoup moins moderne et progressiste que sur papier. Il est rare de trouver une éducation bilingue. Beaucoup de Mayas ont dénoncé cette politique  où l’espagnol est ajouté aux langues autochtones. IMG_4711 Selon eux, ce serait une tentative d’éliminer les dialectes maya par l’espagnol pour mieux assimiler les enfants autochtones. De graves problèmes touchent le système d’éducation proposé aux indigènes. Dans la plupart des écoles destinées aux indigènes, on compte souvent au moins 60 élèves par classe alors que dans les classes de Ladinos, ils sont 40. Le surpeuplement des salles de cours explique en partie la dégradation de la qualité de l’enseignement et les taux élevés d’abandon scolaire chez les autochtones. De plus, seulement la moitié des enseignants sont d’origine indigène. Les manuels adaptés en langue indigène font cruellement défaut. Beaucoup d’enseignants ne sont pas favorables à un enseignement bilingue, notamment à cause de la persistance d’opinions péjoratives envers les indigènes et la croyance que l’espagnol est une langue d’une culture supérieure. Le système actuel ne répond pas aux besoins des autochtones. Les programmes nationaux n’intègrent aucun élément de la culture indigène. Les élèves autochtones sont  tenus d’apprendre une langue qui n’est pas leur langue maternelle. Ce qui n’est pas le cas des Ladinos.

Il y a de nombreux obstacles à instruction bilingue au Guatemala : la grande pauvreté frappe disproportionnellement les populations indigènes, s’ajoute à cela des difficultés d’accès à l’école et un manque criant d’infrastructures adéquates. Il y a un grave manque d’appui de la part du gouvernement. Peu d’écoles sont bilingues et elles manquent de ressources humaines et monétaires. Peu de professeurs sont formés pour enseigner dans ces milieux. Le plus grave problème du Guatemala en matière d’éducation provient du maigre budget consacré à l’éducation. Dans la plupart des pays développés, les dépenses publiques en éducation varient autour de 5 % à 7 %.  Or, le budget affecté dans ce secteur se situe à moins de 2 % au Guatemala, comme aux Émirats arabes unis, en Guinée équatoriale, à Myanmar (Birmanie), en République Dominicaine et en Zambie.

Accessibilité et inégalités

L ‘accès à l’éducation est d’autant plus ardu pour les femmes autochtones. La plupart de celles-ci parlent peu ou pas l’espagnol. Habitant généralement en région où l’accès aux écoles est difficile, elles ont un taux particulièrement faible de scolarisation.  De plus, comme dans de nombreux pays où les conditions sont similaires, les tâches domestiques priment généralement sur l’éducation formelle des filles. En 2004, le rapport national de consultation des femmes autochtones soulignait qu’environ 72% des filles autochtones seraient analphabètes. IMG_5162 Le Guatemala est l’un des pays d’Amérique centrale le plus touché par l’analphabétisme avec un taux de 37,5% de population âgée de 15 à 65 ans (PNUD, 2004). Les écarts sont d’autant plus significatifs selon l’ethnie, le sexe et le lieu de résidence. Plus de 82% de la population analphabète vit dans les régions rurales du pays et le taux d’analphabétisme chez les femmes est deux fois plus élevé que chez les hommes.

Les populations indigènes des régions rurales du Guatemala font partie des groupes qui ont les revenus et les niveaux d’éducation et d’alphabétisation les plus bas.

Des données nationales datant de 2004 montrent que moins de 60 % de la population âgée de 15 à 24 ans a suivi au moins six ans d’éducation de base. C’est la moyenne la plus basse des dix-huit pays d’Amérique latine. Les chiffres sont encore plus déconcertants en ce qui concerne la population rurale : seulement 40 % de la population a atteint la sixième année d’enseignement. IMG_5655 Le taux d’analphabétisme des adultes a été réduit de 48,10 % à 26 % entre 1985 et 2008, mais le taux d’alphabétisation du Guatemala est encore le deuxième le plus faible dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes. Il existe en outre de considérables inégalités géographiques, socio-économiques et de genre en ce qui concerne l’alphabétisation :

  • 71,55 % des adultes analphabètes ou possédant des compétences insuffisantes en lecture et écriture vivent dans des régions rurales ;
  • 44 % des plus pauvres sont analphabètes, tandis que 91 % des plus riches sont alphabètes
  • 31 % des femmes adultes sont analphabètes, contre 20 % chez les hommes.

Impacts du manque d’éducation sur le développement de la personne, des communautés et du pays

Au Guatemala, la situation des femmes autochtones est pour le moins alarmante, comme c’est le cas dans plusieurs autres pays d’Amérique latine. La plupart d’entre elles souffrent d’exclusion sociale en raison de leur origine autochtone et de leur statut de femme, considéré inférieur à celui de l’homme. La culture patriarcale du pays circonscrit très précisément leur domaine d’action.

Selon les statistiques du ministère de l’éducation nationale, le taux d’analphabétisme serait tombé à 43 % puis à 38 % depuis 1996, ce qui a permis d’accroître le nombre d’habitants alphabétisés pouvant participer aux activités sociales, défendre leurs droits et combattre la discrimination.  Malgré l’augmentation du taux d’alphabétisation de la population guatémaltèque, il y a une énorme place à l’amélioration.  Espérons que dans un futur proche, le gouvernement guatémaltèque priorisera les programmes d’alphabétisation afin d’améliorer significativement la vie socio-économique de tous ses habitants.

Sources : http://www.loi1901.com/association/alphabetisation_des_femmes_au_guatemala.php http://www.oregand.ca/veille/2005/07/lalphabtisation.html http://www.unesco.org/uil/litbase/?menu=16&language=fr&programme=94 http://www.unicef.org/french/infobycountry/guatemala_statistics.html http://www.axl.cefan.ulaval.ca/amsudant/guatemala.htm http://www.indexmundi.com/g/g.aspx?v=39&c=bl&c=ca&c=cy&c=gt&l=fr http://cdeacf.ca/actualite/2004/09/07/journee-internationale-lalphabetisation-1000-femmes